Dans la tradition la plus pure, le Président français entreprend un voyage en Afrique en ce début de nouveau mandat. Nous sommes fin Juillet 2022, Emmanuel Macron visite l’Afrique noire : au programme, le Cameroun, le Bénin et la Guinée-Bissau. La rencontre entre les deux chefs d’État pourraient être électrique. Le Président français qualifiait en 2021 le règne de Paul Biya de :
“symbole d’un système moribond, héritage du passé”.
Mais rien n’est moins sûr : le Cameroun et la France entretiennent depuis toujours une relation très particulière. On peut souvent lire que la Françafrique trouve son origine au Cameroun. Depuis son indépendance en 1960, le pays n’a connu que deux présidents Ahmadou Ahidjo, placé à la tête du pays avec la bénédiction des autorités française et Paul Biya qui prendra sa succession en 1982. 40 ans que le président camerounais règne en maître absolu, élu pour un pays en crise, heurté par les conflits linguistiques entre les francophones et anglophones. L’anecdote impose la réalité :
Lorsque Paul Biya entre au Palais de l’Unité à Yaoundé en 1982, Emmanuel Macron, lui, entre à l’école maternelle.
La visite de deux jours marque le début de la tournée africaine du Président français. Une tournée désespérée à l’heure où l’influence de l’ancienne surpuissance coloniale dépérit. Le retrait non consenti des forces armées françaises du Mali et leur repli vers le Niger ont été le point de départ d’une opération séduction de la France sur le continent noir. La France veut conserver son empreinte face à la marée russe qui déferle sous couvert du groupe Wagner. Dans un contexte où les conséquences de la guerre en Ukraine se font ressentir jusqu’en Afrique, Macron abat ses cartes.
Le 27 juillet, c’est au tour du Bénin, pays situé juste au sud de la zone Sahel, c’est l’un des lieux stratégiques pour la France qui souhaite rester active dans la région via la force Takuba. Patrice Talon, l’ancien homme d’affaires devenu homme politique, accueille Emmanuel Macron à Cotonou. Au menu de la rencontre : la question sécuritaire et la culture. Des bronzes du Bénin aux aides à l’armement. Patrice Talon assure :
“Si je dois qualifier nos relations avec la France sur ces derniers temps, je dirais qu’elles sont décomplexées”,
Les deux présidents n’ont pas manqué de transmettre leurs envies de travailler de concert. Preuve de bonne foi, la restitution de 26 oeuvres d’art sur quelques milliers. Patrice Talon a été élu président 2016, si à l’époque il ne souhaitait briguer qu’un seul mandat et entériner cette règle dans la constitution, il semble que la mouche présidentielle africaine l’ai aussi piqué en 2019. Seuls deux listes sont autorisées à se présenter aux élections législatives. Toutes deux favorables au président en place, elles permettent à Talon d’être le candidat unique à sa succession, car nouvelle règle, 10% de parrainage des députés et maires sont nécessaires pour poser sa candidature aux présidentielles. Le bonheur de certains font le malheur des autres.
Clap de fin de la tournée présidentielle en Guinée-Bissau, le pays voisin du Sénégal, la Guinée était la troisième destination sur le carnet de bal du président français. Sécurité au Sahel était au programme car son Président Umaro Sissoco Embaló vient de prendre la tête de la CEDEAO (Communauté Economique des Etat d’Afrique de l’Ouest). Dans un contexte où la France a été priée, pour ne pas dire jetée, d’évacuer ses forces armées du Mali et qu’au même moment Sergeï Lavrov, le ministre des affaires étrangères russe est lui aussi en tournée africaine pour le compte du Kremlin. Lors d’une conférence de presse conjointe, Emmanuel Macron s’est encore une fois exprimé sur la présence russe en Afrique :
“Force est de constater que les choix faits par la junte malienne aujourd’hui et sa complicité de fait avec la milice Wagner sont particulièrement inefficaces pour lutter contre le terrorisme”
Il est vital pour la puissance presque agonisante française d’assurer “allié” et “appui” là où elle risque de les perdre. Mot d’ordre : séduire le gouvernement à défaut d’avoir le soutien des populations, absolument lassées de la présence française qui n’amène que peu de résultats.
Après cette brève tournée de séduction sur le contient, Macron était attendu à Paris par MBS, Mohammed Ben Salmane, le prince héritier d’Arabie-Saoudite. Figure controversée, accusée par la CIA d’avoir commandité l’assassinat du journaliste Jamal Kashoggi en 2018 à Istanbul dans le consulat de son pays. La suite, nous ne parlerons pas de démocratie, de droit de l’homme ni de la vente d’armes ou d’avions.