Après une année 2024 marquée par un calendrier électoral particulièrement dense, avec dix-neuf scrutins présidentiels initialement programmés, l’année 2025 se présente comme un exercice plus resserré, mais tout aussi déterminant pour la trajectoire démocratique du continent. Dix élections sont prévues, concentrées majoritairement en Afrique francophone, et notamment en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale…des zones géopolitiques où les ingérences étrangères, notamment russes, tentent de fragiliser davantage des institutions déjà sous pression.

Dans ce contexte, le véritable enjeu de 2025 ne réside pas seulement dans la tenue des élections, mais dans leur crédibilité. Un mot devenu presque incantatoire tant il revient d’un cycle électoral à l’autre, mais qui demeure central. Car derrière l’apparence du pluralisme, bon nombre de ces scrutins s’annoncent comme de simples formalités, conçues pour reconduire les présidents sortants dans leurs fonctions sans réelle compétition.

@ Joseph Siegle & Hany Wahila
@ Joseph Siegle & Hany Wahila

Un vernis démocratique de plus en plus mince

Ce phénomène n’est pas nouveau. Il s’inscrit dans une tendance plus large de captation des institutions par certains régimes en place. Le décor électoral est conservé : urnes, bulletins, observateurs triés sur le volet, campagnes de façade. Mais le résultat est souvent connu d’avance, fruit d’un processus méticuleusement balisé. Les stratégies d’étouffement de la volonté populaire sont multiples : modification unilatérale des constitutions pour supprimer ou repousser les limites de mandat, pressions sur les cours constitutionnelles, neutralisation des commissions électorales dites « indépendantes » ou encore mise au pas des médias.

Le cas de 2024 en est une illustration criante : cinq élections prévues n’ont même pas été organisées. Une dérive inquiétante qui témoigne d’un climat d’impunité croissante où le respect des règles démocratiques devient secondaire face aux logiques de conservation du pouvoir.

Le rôle crucial des acteurs de l’information et de la décision

Face à ces manœuvres, la responsabilité des journalistes, analystes et décideurs politiques devient d’autant plus cruciale. Il ne s’agit plus simplement de relayer un calendrier électoral ou de comptabiliser les taux de participation. Il s’agit d’aller plus loin : d’examiner, de décrypter, de faire la part entre les scrutins authentiquement compétitifs et les simulacres d’élections.

Ce discernement est vital. Car accorder la même valeur politique à une élection libre et à un scrutin verrouillé revient à banaliser l’autoritarisme sous couvert de légitimité électorale. Il revient aussi à envoyer un signal dangereux aux régimes autoritaires : celui qu’il suffit de maintenir les apparences pour obtenir la reconnaissance internationale.

Les véritables élections comme espaces de respiration démocratique

Heureusement, tout n’est pas à jeter dans l’agenda 2025. Certaines élections devraient offrir aux citoyens une réelle opportunité de choix et de débat. Dans ces contextes où la compétition est ouverte, le suffrage devient un levier de validation ou de réorientation du pouvoir en place, permettant aux électeurs de sanctionner, de renouveler, voire de redonner souffle à un processus démocratique abîmé.

Ces rendez-vous électoraux deviennent alors bien plus que des compétitions partisanes. Ils représentent des moments de respiration, des occasions d’autocritique institutionnelle, des opportunités de renouveau collectif. Encore faut-il que ces moments soient défendus, surveillés et encadrés avec rigueur et équité.

Une fin d’année sous haute tension politique

Fait notable : l’essentiel des scrutins de 2025 aura lieu dans les derniers mois de l’année, une configuration qui laisse le temps d’observer les dynamiques à l’œuvre, mais qui appelle aussi à la vigilance. Ces mois de préparation peuvent être mis à profit pour documenter les jeux d’alliances, les modifications de lois électorales, les candidatures surprises ou controversées, mais aussi pour mesurer la vitalité des contre-pouvoirs, des mouvements citoyens et de la société civile.

Car c’est bien là que se jouera, en grande partie, la qualité démocratique du millésime électoral 2025 : dans la capacité de chaque société à protéger l’expression du vote, à faire vivre le débat contradictoire, à garantir l’intégrité du processus.

Conclusion : l’exigence d’un regard affûté

Dans un continent en pleine mutation, la démocratie africaine ne saurait être mesurée au seul nombre d’élections organisées. Elle se jauge à la sincérité des processus, à l’effectivité du droit à choisir, à la pluralité des voix entendues. Elle se mesure aussi à la qualité de ceux qui racontent ces élections, les analysent et en tirent les conséquences. Pour que l’Afrique de 2025 avance, il faudra plus qu’un agenda électoral bien rempli. Il faudra un regard lucide, exigeant, informé. Et une volonté partagée de ne pas se satisfaire d’un simple décor démocratique mais d’en défendre les fondations, coûte que coûte.

Paul Olivier

Paul Olivier

Journaliste diplômé de l'ULB (Université Libre de Bruxelles, Paul Olivier est passionné des nouveaux médias ainsi que de la coopération au développement. Ayant travaillé dans plusieurs médias internationaux, Paul Olivier aime particulièrement l'investigation et et les questionnements de notre temps liés aux nouveautés digitaux.

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